Comment développer nos villes sans abîmer la nature alentour ni réchauffer davantage notre climat ? Une étude française passe au banc d’essai des mesures d’urbanisme qui permettraient de « verdir » Paris sans nuire à la qualité de vie ni faire exploser les prix de l’immobilier.
Un panorama écologique mitigé et une étude ambitieuse
Lutter contre l’étalement urbain pour protéger la biodiversité et l’activité agricole, réduire la place de la voiture, mieux protéger les citadins face aux impacts du changement climatique, parfois difficiles à mettre en œuvre, de telles mesures gagneraient particulièrement à être appliquées simultanément.
« Au niveau international, les négociations climat sont bloquées. A l’échelle nationale, le sujet a aussi du mal à avancer. Aujourd’hui, c’est vraiment au niveau des politiques locales qu’il convient de progresser » sur les questions environnementales, estime l’économiste Stéphane Hallegatte. Ce spécialiste du climat au Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (Cired) et à Météo-France, a modélisé, avec son collaborateur Vincent Viguié, un urbanisme plus « vert » de l’agglomération parisienne dans une étude récemment parue dans Nature Climate Change.
« En l’absence d’action spécifique, l’étalement urbain va se prolonger et on aura en 2030 encore plus de zones à basse densité de population qui dépendent de l’automobile », une perspective néfaste pour la biodiversité, l’agriculture comme le climat, explique Monsieur Hallegatte. L’une des solutions, selon lui, est d’interdire toute nouvelle construction au-delà des limites de l’agglomération, mais on se heurte à l’argument suivant : “vous allez interdire les constructions alors qu’il n’y en a déjà pas assez et vous allez faire monter les prix de l’immobilier. »
Autant d’inconvénients qui compliquent la mise en œuvre concrète des mesures environnementales. Pour lever ce verrou, les chercheurs ont développé un modèle permettant de « quantifier » les avantages et inconvénients de trois mesures selon qu’elles sont mises en œuvre individuellement ou simultanément.
- La première est d’interdire les constructions au-delà des limites actuelles de l’agglomération pour établir une « ceinture verte ».
- La deuxième de développer les transports en commun avec notamment un tarif unique de 14 euros par mois.
- La dernière est d’interdire de nouvelles constructions en zone inondable, des inondations plus fréquentes étant attendues avec le réchauffement.
Ces mesures ont été évaluées au regard de quatre objectifs : l’accès au logement, la réduction des gaz à effet de serre, la réduction des risques naturels et la lutte contre l’étalement urbain.
Ils ont simulé pour cela la taille moyenne du logement des ménages parisiens en 2030, ou encore le nombre de kilomètres que les Parisiens parcourront alors en voiture ou l’évolution de la population dans les zones inondables. Le plus efficace, constatent-ils, est l’application simultanée des trois politiques : « chacune des politiques compense les problèmes crées par les deux autres », relève Vincent Viguié. Par exemple, l’effort sur les transports en commun facilite l’installation en banlieue et compense l’augmentation du coût des logements due à la « ceinture verte » et à l’interdiction de construire en zone inondable.
Un travail encore très théorique mais qui peut permettre, espère Stéphane Hallegatte, d’aller « au-delà de la présentation souvent très négative des politiques environnementales en général”. L’objectif est de montrer que faire de l’environnement n’est pas forcément contradictoire avec l’accès au logement ou la qualité de vie.
Réinventer Paris : un panel de mesures déjà en place
Si à l’échelle nationale, de multiples mesures sont envisagées, il n’en reste pas moins que le gouvernement a déjà entamé un virage en matière de transition énergétique, à Paris comme ailleurs en France. Concernant le marché de l’habitat, on constate une recrudescence des travaux de rénovation énergétique : une modernisation du parc immobilier qui permettrait de réduire les ilots de chaleur urbain en transformant les constructions actuelles en des versions moins énergivores, plus “vertes”. Le parc immobilier de demain existe déjà en grande majorité : il s’agit donc d’apprendre à le réinventer.
En matière de nouvelles constructions, maintenant, l’incitation à l’utilisation de matériaux écologiques, l’implémentation d’une réglementation thermique plus affirmée et le développement des modes de construction alternatifs (habitat modulaire, maison autonome…) permettent au citoyen lambda d’entrevoir à son échelle les perspectives de la ville du futur et d’agir en ce sens.
Finalement, il n’y a pas une bonne ou une mauvaise façon de développer l’urbanisme sans abîmer la planète. Il s’agira avant tout de débattre ensemble des différentes voies à suivre et de donner les moyens à chaque acteur de la chaîne, du gouvernement au citoyen, d’agir pour une ville plus verte. Malgré le chemin qu’il reste à parcourir et les difficultés évoquées précédemment, l‘espoir réside.